lundi 28 mars 2016

Charles repousse la nuit, P.A Thevenet




Attention, bombe en approche !!!

Premier roman de Pierre Adrien Thevenet, mais pas premier écrit. Il a en effet déjà publié un recueil de nouvelles sous un pseudonyme. Il s’agit de Four Steps, de François Mulcahy.

J’ai eu le plaisir de lire Four Steps il y a 2 ans, et j’avais déjà à l’époque reconnu le talent de ce jeune auteur. Sachant qu’il cherchait à publier son premier roman, j’avais hâte de le découvrir. C’est chose faite !

« Charles repousse la nuit » est un récit fantastique planté sur un décor que l’on pourrait qualifier de post-apocalyptique. Cette histoire m’a tenue en haleine dès les premières phrases et ne m’a plus lâchée jusqu’aux derniers mots de l’épilogue.  

Les premiers romans des jeunes auteurs ont souvent quelques petites choses à améliorer, à approfondir ou au contraire délaisser. Mais là je dois dire que tout y est, rien à redire…c’est parfait.

Comme à son habitude, P-A Thevenet développe largement le côté psychologique de ses personnages, ce qui donne toute sa profondeur à l’œuvre. Chacun a une personnalité bien marquée, avec ses aspérités, son relief, ses petits secrets…tout cela aide le lecteur à se relier au récit, à vivre l’aventure, à se sentir en empathie avec le ou les personnages principaux.

A côté de ça, l’auteur a su maintenir un suspens sans aucun temps mort, aucune lourdeur ni ennui tout au long des pages. Une plume dynamique et travaillée qui transmet tout un éventail d’émotions, allant de la joie à la tristesse, en passant par le doute et même l’effroi pour certaines scènes.

En arrière-plan de l’histoire, on peut noter la passion de l’auteur pour la musique et le cinéma (mais surtout la musique, dans une certaines ambiance d’antan) et je ne pense pas me tromper en faisant cette remarque, pour l’avoir déjà ressentie dans certaines de ses nouvelles de Four Steps.

Pour finir, je dois signaler que cette histoire fantastique a une forte valeur symbolique. Il y a donc une morale à en tirer, voire plusieurs…

Bref, un très beau roman qui reflète un immense talent, et qui mérite d’être remarqué par une grande maison d’édition, afin d’être largement diffusé, pour le plus grand bonheur des lecteurs !




dimanche 27 mars 2016

L'empire de la honte, Jean Ziegler





L'auteur suisse met ici en lumière des vérités qu'il est bon de connaitre..
Quelles sont les forces qui gouvernent notre monde? Comment agissent-elles? Y a-t-il, pour les pays les plus pauvres, un moyen d'y échapper?

On pense savoir certaines choses, avec plus ou moins de clarté, mais il est très utile quelques fois de s'y pencher de plus près, d'approfondir ses connaissances, d'ouvrir l’œil...

J'ai choisi de copier une partie du chapitre sur la dette, parce que je l'ai trouvée très " parlante". Elle montre bien ce qui se joue sur l'échiquier mondial:



Le Rwanda: Dette odieuse 



D’avril à juin 1994, sur les collines du Rwanda, les soldats de l’armée régulière et des miliciens interhamwe (en banyarwanda, Interhamwe veut dire «  ceux qui tuent ensemble ») assassinèrent systématiquement les enfants, femmes et hommes de l’ethnie tutsi, ainsi que des milliers de Hutus opposés au régime.

A cette époque, les Nations unies maintenaient au Rwanda un contingent de Casques bleus de plus de 1300 hommes retranché dans des camps militaires protégés par des barbelés, ici et là à travers le pays.

A l’heure des massacres, des dizaines de milliers de Tutsis implorèrent l’aide des Casques bleus, demandant à pouvoir se réfugier dans les camps sécurisés. Mais les officiers onusiens refusèrent avec constance. Les ordres venaient de New York, du Conseil de sécurité, par l’intermédiaire du sous-secrétaire général au maintien de la paix, Kofi Annan.

Alors que le génocide avait commencé, la résolution n° 912 du 21 avril 1994 du Conseil de sécurité réduisit même de moitié le nombre des soldats au Rwanda.

Entre 800 000 et 1 million de femmes, de nourrissons, d’enfants, d’adolescents et d’hommes tutsis (et hutus au sud) furent ainsi massacrés en cent jours. Sous l’œil impassible des Casques bleus des Nations unies.

De 1990 à 1994, les principaux fournisseurs d’armes et de crédits au Rwanda avaient été la France, l’Egypte, l’Afrique du Sud, la Belgique et la République populaire de Chine. Les livraisons d’armes égyptiennes étaient garanties par le Crédit Lyonnais. L’aide financière directe venait surtout de France.  De 1993 à 1994, la République populaire de Chine avait fourni 500 000 machettes au régime de Kigali. Des caisses pleines de machettes, payées sur crédit français, arrivaient encore par camions, venant de Kampala et du port de Mombassa, alors que le génocide avait déjà commencé…

Les génocidaires furent finalement défaits par l’avancée de l’armée du Front patriotique rwandais, constitué par de jeunes Tutsis issus de la diaspora ougandaise. Kigali fut prise en juillet 1994. La France, pourtant, continua à livrer des armes, par Goma et le Nord-Kivu, aux derniers génocidaires réfugiés sur la rive orientale du lac Kivu.

La France de François Mitterrand a joué, au Rwanda, un rôle particulièrement néfaste. Des officiers français ont soutenu et, le jour de la défaite venu, exfiltré les génocidaires et leurs commanditaires politiques.

Les analystes qui font autorité l’expliquent ainsi. La dictature hutu du président Habyarimana était un régime francophone ; le Front national rwandais, qui le combattait, était constitué majoritairement par des fils et des filles de réfugiés tutsis, nés en Ouganda, et donc anglophones.  C’est au nom de la défense de la francophonie que François Mitterrand accorda un soutien sans faille aux tueurs génocidaires. En outre, des liens d’amitié attachaient le président français à la famille du défunt dictateur hutu rwandais, Juvénal Habyarimana.

Le nouveau gouvernement a hérité d’une dette extérieure d’un peu plus d’un milliard de dollars. Arrivant au pouvoir dans un pays complètement dévasté et considérant qu’ils n’avaient aucune obligation morale à rembourser des crédits qui avaient servi à financer l’achat des machettes avec lesquelles on avait découpé leurs mères, frères et enfants, les nouveaux gouvernants demandèrent aux créanciers de suspendre, voire d’annuler, le remboursement. Mais, conduit par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, le cartel des créanciers refusa finalement tout arrangement, menaçant de bloquer des crédits de coopération et d’isoler financièrement le Rwanda dans le monde.

C’est ainsi que les paysans rwandais, pauvres comme  Job, et les rares rescapés du génocide s’échinent aujourd’hui encore à rembourser, mois après mois, aux puissances étrangères les sommes qui ont servi aux massacres.






dimanche 20 mars 2016

L’Évangile du Serpent, de Pierre Bordage





Voici un roman d’anticipation dont le thème principal est plus que jamais d’actualité…

Pierre Bordage semble familier des pavés et comme à chaque fois on arrive aux dernières pages en se demandant : «  Quoi, c’est déjà la fin ? » ben oui, c’est du Bordage, prenant, fluide, beau.

Il a tissé la toile de vie de quatre personnages principaux et les a fait évoluer sur la trame de l’existence. Tous différents en âges, de milieux sociaux et d’aspirations variées. Tous vont se retrouver dans la lumière d’un maître spirituel, qui représente symboliquement ce que tout être humain doit ou devrait vouloir retrouver s’il n’était pas paralysé par ses peurs, conditionné par ses carcans éducatifs et sociaux.  La liberté et une vie harmonieuse avec le reste de l’univers.

Parallèlement à cela, il aborde les aspects détestables de nos sociétés «  civilisées », et je me dis que c’est drôle comme les lectures peuvent parfois coïncider… En ce moment je lis également «  L’empire de la honte » de Jean Ziegler. Ce n’est pas un roman mais une analyse du schéma de fonctionnement de notre monde, très instructif. J’y reviendrai…

L'Évangile du Serpent est le premier volet d’une trilogie : L’Ange de l’abîme et Les chemins de Damas. Un thème général les relie mais ils se lisent indépendamment… Je m’y plongerai donc prochainement.


Bonne découverte !